Pour une sortie de crise

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Crise financière et régulation économique : tout reste à faire !

1er mai 2011  | Tout indique que, faute d’une action politique suffisamment en profondeur, le contexte qui a permis l’émergence de la crise n’a pas changé fondamentalement. Les jeux spéculatifs sont encore bel et bien présents, voir plus dangereux que jamais, par exemple pour tout ce qui concerne le marché des matières alimentaires (avec des effets désastreux sur les producteurs et sur la biodiversité) et des matières premières en général.

Les mécanismes prudentiels et de contrôle mis en place par l’Europe et par les Etats sont clairement insuffisants : les grandes institutions bancaires se sont battues pour qu’ils soient les moins contraignants possibles [1]. Et si les Etats ont renforcé leurs gendarmes financiers, ils ont renoncé à s’attaquer aux causes réelles de la crise financière et à prendre les mesures de régulation nécessaires.

En Belgique, particulièrement, dans les banques qui ont été aidées par l’Etat, la confiance est si vite revenue que les pratiques néfastes d’hier se perpétuent, notamment pour ce qui concerne les salaires des dirigeants et leurs bonus. Les systèmes fiscaux restent inéquitables, avec une lutte insuffisamment volontariste contre la fraude fiscale et les effets d’aubaine créés par les coûteux intérêts notionnels.

Les déséquilibres au sein de l’UE restent trop importants, voire se sont aggravés sous les effets de la crise. Certains risquent de faire défaut, ce qui aurait un impact sur les autres économies. Et la réduction massive des déficits publics couplée à un resserrement de la politique monétaire des banques centrales en vue de lutter contre l’inflation risque d’aggraver encore la situation [2].

Résultat de la crise, la part des salaires dans le PIB ne fait que diminuer, sans mesure compensatoire réelle pour soutenir les salaires, ce qui met la sécurité sociale sous pression et contribue à l’augmentation de la pauvreté [3], qui n’a fait que s’aggraver sous l’effet de la crise financière.

Pour ECOLO, des mesures de régulation doivent être prises de façon urgente, à l’initiative ou avec l’appui du Parlement.

• Des règles claires doivent être adoptées pour réformer le secteur bancaire est financier : assurer la séparation ou le cloisonnement strict des métiers bancaires, entre la banque de dépôt classique et la banque d’affaires, qui prend des risques, parfois démesuré ; augmenter les fonds propres des banques et éviter les effets leviers ; interdire les ventes à découvert et à nu ainsi que les produits dangereux,…

• L’Etat belge doit utiliser sa participation dans diverses grandes banques pour faire en sorte qu’elles adoptent des comportements irréprochables sur le plan éthique et prudentiel. La politique de rémunération des patrons doit être revue dans le sens d’une plus grande sobriété et d’une limitation de l’écart salarial [4]. L’emploi et les intérêts belges dans ces banques doivent être protégés. Les placements effectués doivent être prudents et durables. Ces banques doivent quitter les paradis fiscaux.

• L’Etat belge doit corriger le mécanisme des intérêts notionnels, qui a un coût démesuré (4,25 milliards d’euros si on en croit les documents budgétaires pour 2011 [5]) sans pour autant s’inscrire en soutien d’une activité économique réelle et de l’emploi, notamment dans le cadre des PME, qui génèrent des emplois peu délocalisables. Une loi correctrice doit être votée pour éviter les constructions fiscales douteuses, garantir le maintien de l’emploi et limiter encore davantage l’impact budgétaire de la mesure.

• L’Etat belge doit faire de la lutte contre la fraude fiscale une véritable priorité, non seulement en mettant en application les recommandations de la commission d’enquête sur la grande fraude fiscale (au-delà de celle relative au secret bancaires) mais également en étant attentif aux nouvelles méthodes de fraude (assurance-épargne étrangère), en consacrant tous les moyens nécessaires à l’aboutissement des dossiers judiciaires en cours (sociétés de liquidité, Qfie [6], KB Lux,…) et en donnant suffisamment de moyens à l’administration fiscale pour faire son travail.

• L’Etat belge doit faire en sorte que les revenus des capitaux contribuent davantage au financement des fonctions collectives et de la solidarité. Dans ce cadre, la mise en place d’une taxe sur les transactions financières au niveau européen équilibrée et intelligente doit être une priorité. De même, au niveau belge, il faut s’assurer d’une perception correcte de la Taxe sur les Opérations Boursières [7] et d’une augmentation de celle-ci au niveau de ce qu’elle est dans les pays voisins [8]. Cela aura un effet tant sur la spéculation qu’au niveau budgétaire.

• L’Etat belge doit faire – enfin – en sorte de mobiliser les moyens énormes de l’épargne (notamment dans le cadre des deuxièmes et troisièmes piliers de pension, développés avec le soutien financier de l’Etat et parfois par lui-même), ainsi que les réserves destinées au démantèlement des centrales nucléaires, au bénéfice d’une activité économique relocalisée et durable. Dans ce cadre, les investissements dans l’efficacité énergétique des logements et des infrastructures publiques. Il s’agit d’activité à haut rendement, qui contribue à la fois à la réalisation d’économies à moyen terme, à la limitation de la pollution et au développement de l’emploi. C’est une façon d’éviter les politiques d’austérité auxquels veulent nous contraindre les décisions européennes. Il est essentiel pour les Etats de conserver des marges d’investissement au profit de la transition écologique de leur économie.